La pluie ébahie
Références de l'ouvrage
COUTO, Mia, La pluie ébahie, traduit du portugais (Mozambique) par Elisabeth Monteiro Rodrigues, Coll. Bibliothèque lusitane, Éditions Chandeigne, Paris, 2014, 94 pages.
L’auteur
Mia Couto, fils d’émigrés portugais, est né au Mozambique en 1955. Biologiste et enseignant, il a été directeur de l’agence d’information du Mozambique et directeur de presse. Il publie son premier recueil de poèmes en 1983. Il se fait connaître mondialement avec son recueil de chroniques sur la guerre civile qui a sévi au Mozambique pendant 16 ans, Terre somnambule (1992). Ses écrits prennent aussi bien la forme de chroniques que de poèmes, de nouvelles ou de romans. La langue qu’il utilise est inventive (avec beaucoup de néologismes) et marquée par la tradition orale mozambicaine. Il a reçu en 2013 le prix Camões (le plus prestigieux pour les lettres lusophones) et, en 2014, le Neustadt International Prize for Literature.
Résumé
Ce récit est constitué de 17 courts chapitres, ce qui lui donne une forme proche de celle du conte, ou du récit poétique. Dans un village mozambicain appelé « Senaller », un jeune garçon raconte comment sa famille traverse l’épreuve de la sécheresse qui s’est abattue sur le village. La terre aride et le fleuve à sec contrastent pourtant fortement avec une atmosphère remplie d’humidité, car depuis quelques jours tombe un « pluviotis », des précipitations si volatiles qu’elles n’abreuvent jamais le sol. Cette situation paradoxale devient si pesante que chacun veut agir pour remédier à la situation. La tante du narrateur, pétrie de religion, en appelle à Dieu, tandis que le grand-père, un vieillard qui se dessèche avec le fleuve, raconte à l’enfant les légendes familiales qui expliqueraient cette malédiction. Le père, quant à lui, est un homme prématurément vieilli par le travail dans les mines, il n’a plus assez d’énergie pour réagir. Aussi la mère décide-t-elle d’aller à l’usine toute proche pour plaider la cause du village, car elle est convaincue que les fumées noires qu’elle produit sont les causes directes de ce fléau. Dans cet acte audacieux s’exprime le double rapport de force entre homme et femme, mais aussi entre blancs et noirs. Le narrateur est le premier témoin de la crise traversée par le couple de ses parents, mais aussi de l’aspiration à mourir du grand-père. L’usine finit par s’arrêter, privée de l’énergie fournie par le courant du fleuve, les fumées se dissipent et la pluie survient, salvatrice. Le texte s’achève sur un hommage au fleuve, source et garant de la vie.
La présence de la question environnementale dans le texte :
Les thèmes écologiques sont-ils centraux ou marginaux dans le texte ?
Le dérèglement météorologique est le point de départ du récit, mais il reste au centre de toute l’histoire, d’une part parce qu’il est l’objet d’une enquête et même d’une quête pour chacun des personnages (pourquoi l’eau ne vient plus à la terre et que faire pour y remédier ?), et d’autre part parce que tout le récit file la métaphore de l’eau et de la pluie, et fait de l’eau un motif de création linguistique et poétique.
Les événements liés à l’écologie sont-ils réels ou imaginaires ?
L’impact des activités industrielles sur l’équilibre météorologique a déjà pu être observé en de nombreux lieux à forte concentration industrielle, et le phénomène décrit, s’il ne fait pas référence à une situation réelle précise, est tout-à-fait réaliste. Mais ces événements factuels sont associés à tout un univers imaginaire, fait de magie, de croyances et de légendes, qui tient aux interprétations moins rationnelles que proposent tour à tour les personnages. Le récit ne s’attache pas seulement à montrer comment l’environnement est perturbé, il décrit le rapport au monde et à la nature qu’entretiennent les habitants du village.
Le texte fait-il apparaître des personnages assimilables à des figures typiques en lien avec l’écologie ?
Non.
Citation
« - Ça vient d’où ? – demanda-t-il presque à voix haute, ne voulant pas se taire, mais évitant d’être entendu.
- Sûrement un sort – suggéra mon grand-père.
- Non – dit maman. – Ce sont des fumées qui viennent de la nouvelle usine.
- Des fumées ? C’est possible oui, tout ça n’est arrivé qu’après cette maudite fumée…
- Ce sont ces fumées qui gênent la pluie. L’eau devient lourde, elle ne peut plus se faire nuage…
Nous tremblâmes, inquiets : la pluie avait perdu son chemin. Il arrivait à l’eau ce qui advient aux ivrognes : elle oubliait sa destinée. On peut soutenir un ivrogne. Mais qui pourrait apprendre à la pluie à reprendre ses sentiers millénaires ? » (p. 12)
Mots-clefs
sécheresse / fleuve / pluie / usine / pollution / responsabilité humaine / Afrique
Fiche réalisée par Blandine CHARRIER