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EcoLitt, le projet de recherche sur l'écologie en littérature


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    Mia Couto - L'accordeur de silences

    Mia Couto - L'accordeur de silences

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    L'accordeur de silences

    Références de l'ouvrage

    COUTO, Mia, Jesusalém [2009], Alfragide, Caminho, 2012, 285 pages
    Traduction française : L’accordeur de silences, Paris, Métailié, 2013, traduit du portugais (Mozambique) par Elisabeth Monteiro Rodrigues, 237 pages

    L’auteur

    Mia Couto est né à Beira (Mozambique) en 1955. Il est l’un des écrivains les plus célèbres, et le plus traduit, du Mozambique. Romancier, dramaturge et poète, il s’emploie à forger une langue poétique proprement mozambicaine, capable de rendre compte d’une problématique et douloureuse mémoire nationale. Il est considéré à ce titre comme l’inventeur d’un nouveau modèle narratif africain. Après avoir accumulé de nombreux prix tout au long de sa carrière, il reçoit en 2013 le très prestigieux prix Camões, distinction maximale au sein de la littérature de langue portugaise, pour l’ensemble de son œuvre. Il est actuellement biologiste dans le parc transfrontalier du Limpopo : outre la thématique des guerres de libération et de la construction de l’identité et du territoire postcoloniaux qui traversent son œuvre, celle-ci est aussi le lieu de déploiement d’une pensée écologique complexe et hautement poétique.

    Résumé

    Le livre premier, intitulé « L’Humanité », est une galerie de portraits : chaque chapitre est dévolu à la présentation de l’un des protagonistes. Fuyant l’immense douleur causée par la mort de sa femme Dordalma (douleur d’âme, littéralement), Silvestre Vitalício emmène de force sa petite famille dans un territoire sauvage, coupé du monde et du temps, Jésusalem. Font partie du voyage le petit Mwanito, narrateur principal et fils de Silvestre, son frère aîné Ntunzi, Zacaria Kalash, un militaire ayant participé aux guerres coloniales, le beau-frère de Silvestre, ledit Oncle Aparecido, et l’ânesse Jezibela, amante du patriarche et seule créature féminine que ce dernier tolère à Jésusalem. Les êtres humains qui y vivent ont  été rebaptisés ; l’écriture, le rêve et le souvenir – de Dordalma en particulier, et de l’amour en général – y sont bannis, et les multiples fuites que Ntunzi entreprend en direction de « l’Autre-Côté » sont à chaque fois avortées par un père dont la détermination morbide n’a d’égal que la folie.

    Le deuxième livre, « La visite », s’ouvre sur l’arrivée à Jésusalem d’une femme blanche, Marta, « la Portugaise », qui a connu Dordalma par le passé et est venue chercher en Afrique son mari Marcelo. Mwanito fait de Marta sa deuxième mère, mais le vieux Silvestre, supportant difficilement la présence d’une femme à Jésusalem, dans la mesure notamment où celle-ci lui rappelle une Dordalma dont il se refuse à faire le deuil, donne à Zacaria l’ordre de l’expulser, puis de la tuer. Mais c’est l’anêsse Jezibela, seule à mériter l’affection de Silvestre, que Ntunzi tuera finalement. Un projet de privatisation de la concession, emmené par des investisseurs étrangers, contraint les habitants de Jésusalem à l’exil.

    Dans le troisième livre, « Révélations et Retours », Silvestre, mordu par une vipère, est finalement contraint de quitter la concession : toute la troupe gagne la ville alors agitée par des manifestations féministes. Le retour à la maison délaissée huit ans auparavant est l’occasion d’un deuil réel, ainsi que d’un certain nombre de révélations : on apprend que Ntunzi est en réalité le fils de Zacaria, amant de Dordalma, suicidée après avoir subi un viol collectif, et que Silvestre a sauvé Zacaria du suicide. Le dernier chapitre est largement métatextuel : le livre se clôt sur le livre qu’a écrit Mwanito malgré les interdictions de son père, un livre qui contient ses rêves et toute la vie de la petite tribu.

    La présence de la question environnementale dans le texte :

    Les thèmes écologiques sont-ils centraux ou marginaux dans le texte ?

    Centraux, bien qu’évoqués sur un mode largement métaphorique ou allégorique. Si le texte constitue avant tout une réflexion sur l’imaginaire d’une communauté nationale en voie de régénération, la dialectique entre monde sauvage et monde civilisé structure tout le roman, et les éléments naturels, ou l’interaction avec le monde animal, y occupent une très grande place. Ainsi, si le « thème » premier n’est pas l’écologie, une pensée écologique et tellurique imprègne pourtant en profondeur la fable et la langue de Jésusalem, territoire établi en plein cœur d’une réserve écologique.

    Les événements liés à l’écologie sont-ils réels ou imaginaires ?

    Les descriptions du monde animal, la privatisation d’une partie de la réserve due à l’implantation d’un projet de développement financé par des capitaux étrangers, sont réalistes, et Mia Couto, biologiste travaillant dans un grand parc national à la frontière du Mozambique, évoque ici son environnement direct, bien qu’il n’utilise pas pour ce faire de références précises. Dans le parc du Limpopo où officie l’auteur, un projet de développement, mis en place en 2002, en tout point semblable à celui qui est évoqué dans le roman, a en effet modifié en profondeur la géographie de la région.

    Le texte et/ou les images font-ils apparaître des personnages assimilables à des figures typiques en lien avec l’écologie ?

    Oui : on apprend dans le second livre que le narrateur et sa famille vivent en réalité dans une réserve écologique emplie d’animaux. Orlando Macara, alias Oncle Aproximado, passeur entre la ville et la réserve, est aussi guide dans le monde sauvage, tantôt affecté aux « services de la Faune » (p. 158), tantôt pourvoyeur de permis de chasse illégaux au sein d’une réserve protégée. Zacaria Kalash, ancien militaire, devient pour sa part à Jésusalem un chasseur plein d’une empathie bien inhabituelle envers les animaux. Marcelo, le mari enfui de Marta, se laisse pour sa part mourir en devenant une bête sauvage. On notera enfin l’omniprésence des nombreux animaux, dont l’anêsse Jezibela, amante de Silvestre Vitalício et personnage à part entière. En outre, Marta, Noci, amante de Mwanito, et plus généralement tous les personnages féminins, symbolisent la vie, la continuité des liens, l’amour et la mémoire. Gardiennes de la terre et de l’humanité, elles peuvent être considérées comme des personnages proprement écologiques.

    Citations

    Na verdade, não nasci em Jesusalém. Sou, digamos, emigrante de um lugar sem nome, sem geografia, sem história. Assim que minha mão morreu, tinha eu três anos, meu pai pegou em mim e no meu irmão mais velho e abandonou a cidade. Atravessou florestas, rios e desertos até chegar a um sítio que ele adivinhava ser o mais inacessível. Nessa odisseia cruzámos com milhares de pessoas que seguiam em rumo inverso: fugindo do campo para a cidade, escapando da guerra rural para se abrigarem na miséria urbana. As pessoas estranhavam: por que motivo a nossa família se embrenhava no interior, onde a nação estava ardendo? (p. 21)

    En réalité, je ne suis pas né à Jésusalem. Je suis, disons, émigrant d’un lieu sans nom, sans géographie, sans histoire. À la mort de ma mère, j’avais trois ans, mon père m’a aussitôt emmené avec mon frère aîné et a quitté la ville. Il a traversé des forêts, des fleuves et des déserts jusqu’à gagner un endroit qu’il croyait le plus inaccessible. Dans cette odyssée, nous avons croisé des milliers de personnes qui avançaient en sens inverse : désertant la campagne pour la ville, fuyant la campagne en guerre pour se réfugier dans la misère urbaine. Les gens trouvaient cela étrange : pour quelle raison notre famille s’enfonçait-elle dans les terres, là où la nation flambait ? (p. 19)

    Mots-clefs 

    responsabilité humaine / animaux / monde sauvage / écoféminisme

     

     

    Fiche réalisée par Anne-Laure BONVALOT                                       

    Catégorie générique

    Roman

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