Saisons
Références de l'ouvrage
RIGONI STERN, Mario, Saisons, La Fosse aux Ours, Lyon, 2006, 182 pages.
L’auteur
Mario Rigoni Stern (1921-2008) fut l’écrivain sédentaire d’une région de basse montagne de la Vénétie, le plateau d’Asiago. Pendant la Seconde Guerre Mondiale où il prit part aux combats comme chasseur alpin en France, en Albanie et en Russie, il s’évada d’Allemagne – prisonnier dès l’armistice de 1943, quand l’Italie « changea de côté ». Devenu employé du cadastre et écrivain, il se fit connaître par son roman Le sergent dans la neige (1954), mais à cette veine de souvenirs de guerre s’ajoute celle des souvenirs de chasse et d’animaux, illustrée par Hommes, bois, abeilles (1980), Le livre des animaux (1990), Arbres en liberté (Arboreto Selvatico, 1991) et plus récemment, Saisons.
Résumé
Dernier livre de son auteur, Saisons regroupe les souvenirs de plus d’un homme, égrenés au fil du calendrier naturel et de la météorologie des lieux qu’il raconte, à la façon d’un almanach. Le texte se compose de petits récits fragmentaires marqués par la conscience d’un temps cyclique, le lecteur étant invité à imiter l’auteur qui associe les évènements marquants de sa vie avec le temps qu’il faisait au jour où ils se sont produits. Une année étalon témoigne ainsi de toutes celles qui précèdent, et notamment des souvenirs de la guerre qui peuplent encore le monde du narrateur. La première saison est l’hiver, celle de la survie et de la lecture des traces laissées sur la neige, image permanente de la page blanche sur laquelle s’écrivent les mémoires. Le printemps, c’est la libération ; l’automne qui clôt le livre, les souvenirs de la chasse. Avec une certaine nostalgie, les histoires d’hier se mêlent aux observations d’aujourd’hui, les souvenirs des anciens aux jeux des enfants. L’écriture est curieuse de chaque chose et y jette un regard toujours neuf. Animaux et plantes sont observés en mouvement et saisis dans ce qui les fait vivre ensemble, car « dans la nature, les choses se produisent conséquemment les unes des autres ». Observateur rigoureux de tous les indices de la vie végétale et animale, Rigoni Stern n’est jamais loin de Pline l’Ancien ou de Dante. Entre cruauté et fraternité, il reprend l’éternel poème du lien nécessaire entre les êtres. Habité par la mémoire concentrationnaire à mesure que remontent les souvenirs des souffrances du passé, Saisons est un livre sur la liberté, à l’image de cette montagne aux frontières ouvertes, cœur d’une Europe où les hommes migrent au printemps pour aller travailler plus au Nord.
La présence de la question environnementale dans le texte :
Les thèmes écologiques sont-ils centraux ou marginaux dans le texte ?
Ce sont ceux, assez décisifs, du rapport entre les mots, la langue et l’exactitude naturaliste pour nommer le réel, ainsi que de l’équilibre des sociétés rurales bouleversées par la guerre et la modernité technique.
Les événements liés à l’écologie sont-ils réels ou imaginaires ?
Tout est résolument réel, c’est une écriture non-fictionnelle.
Le texte fait-il apparaître des personnages assimilables à des figures typiques en lien avec l’écologie ?
Le narrateur est chasseur et naturaliste à la fois, ce qui n’est une contradiction que pour ceux qui ne connaissent pas le milieu rural. Complexité du milieu oblige et tout étant affaire de mesure, tuer n’empêche pas d’aimer ces cervidés et ces oiseaux côtoyés depuis toujours. Alors que Machiavel faisait de la chasse une image de la guerre, la dialectique entre tuer et laisser vivre relève chez Rigoni Stern d’un pacifisme militant, comme dans cette page où il célèbre l’équinoxe : « […] la durée du jour est égale à celle de la nuit partout sur la terre : cela pourrait donner à tous les hommes l’idée de fraterniser au moins ce jour-là » (p. 54).
Citation
« C’est que nous autres humains nous avons la mémoire courte, et ceux qui veulent nous la rafraîchir n’en ont pas du tout. Rares sont ceux qui écrivent sur leur agenda les températures, les précipitations, les changements de temps. Rien que des affaires, des rendez-vous. Autrefois, les hommes qui avaient l’habitude de noter aussi les choses de la nature étaient sûrement plus nombreux ; maintenant, on vit au milieu d’artifices, de subterfuges visant à obtenir des effets étrangers à l’ordre naturel. » (p. 21)
Mots-clefs
Italie / animal / chasse / ruralité (campagne) / montagne, neige
Fiche réalisée par Bertrand GUEST