Paysans
Références de l'ouvrage
DEPARDON, Raymond, Paysans
Seuil, Paris, 2009, 124 pages.
L’auteur
Raymond Depardon, né en 1942, est un photographe et réalisateur rattaché au documentaire. Autodidacte formé dans les guerres du Vietnam, d’Algérie et d’Afghanistan, créateur de l’agence Gamma et membre de Magnum depuis 1979, il réalise des films sur le monde judiciaire (de Faits divers en 1983 à 10e chambre en 2004) puis sur le monde paysan dont il est originaire. La trilogie documentaire Profils paysans (2001-2008)y côtoie plusieurs livres (La ferme du Garet, 1995 ; La terre des paysans, 2008).
Résumé
Dans un quadrilatère rural en France, de la Haute-Saône à la Lozère et de la Dordogne à la Haute-Loire, Depardon photographie des paysans qu’il cite dans le texte d’accompagnement, leur donnant la parole dans des propos souvent désespérés. Il s’intéresse en particulier aux lieux de l’exode rural, à cette « diagonale du vide » qui s’étend du nord-est au sud-ouest et à cette moyenne montagne dont les pentes empêchent toute culture intensive et qui est la plus rude, la plus ignorée des médias et des syndicats agricoles. Les photographies, en noir et blanc ou en couleurs, ont été prises avec une quinzaine d’appareils différents de 1956 à 2009, une période longue donnant à voir les mutations profondes des campagnes décrites, le tout dans une forme d’intimité puisqu’elles se donnent comme autant de prolongements du pays de l’enfance, autour de la ferme du Garet dans le Beaujolais. Sur un ton très oral, simple et laconique, le photographe évoque son enfance, son départ et ses premières photos, dont celles d’autres paysans, loin, les Mapuches du Chili auxquels Allende redistribua des terres, reportage fait avec Robert Pledge en 1971 et dont il se sent très fier. Les photos et leur récit abordent ensuite la construction des films consacrés aux paysans, les difficultés à gagner leur confiance et laisser s’exprimer leur parole « précise, imagée, retenue et moderne ». Formulés par elle, la description de l’expropriation des terres agricoles, livrées aux autoroutes et aux usines, et le récit du mitage de la terre et de la solitude des vieux garçons sont d’autant plus poignants.
La présence de la question environnementale dans le texte :
Les thèmes écologiques sont-ils centraux ou marginaux dans le texte ?
Marginaux stricto sensu, mais il s’agit d’un témoignage sur la désertification du monde paysan, qui est un enjeu écologique majeur.
Les événements liés à l’écologie sont-ils réels ou imaginaires ?
Textes et photos sont ici engagés dans un art du réel, que l’on peut qualifier de documentaire. Le livre documente la déprise rurale, la « fin des paysans » évoquée dès 1967 par Henri Mendras dans l’ouvrage du même nom.
Le texte fait-il apparaître des personnages assimilables à des figures typiques en lien avec l’écologie ?
Peut-être qu’une caractérisation récurrente de la littérature écologique, ici présente, est la désignation de ces paysans comme les « derniers paysans ». Tout laisse penser qu’on regarde leur disparition visuelle, avec quelque chose d’une anthropologie désespérée et dramatisée comme il y a un peu plus d’un siècle face aux portraits des derniers Indiens par Edward S. Curtis.
Citations
« Le contexte est pas favorable pour la ferme. Les déviations, l’autoroute, le bruit… Seveso 2… Cette usine d’engrais qu’ils nous ont fait… C’est pas du tout le même problème qu’à Toulouse, où, à Toulouse, l’usine d’engrais existait, et après ils ont fait les maisons. Ici, nous, on était là depuis trois siècles et puis ils nous ont fait une darce, et puis ils ont fait de l’engrais, ils se sont rapprochés de nous. Maintenant, il y a deux cents mètres non constructibles. Non. On peut rien faire. » (p. 53)
Mots-clefs
ruralité / montagne / France / paysans / solitude
Fiche réalisée par Bertrand GUEST