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EcoLitt, le projet de recherche sur l'écologie en littérature


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    Olivia Rosenthal - Que font les rennes après Noël ?

    Olivia Rosenthal - Que font les rennes après Noël ?

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    Que font les rennes après Noël ?

    Références de l'ouvrage

    ROSENTHAL, Olivia, Que font les rennes après Noël ?, Éditions Verticales, Paris, 2010, 216 pages
    [Prix Alexandre-Vialatte 2010 ; Prix Ève-Delacroix de l'Académie française 2010 ; Prix du Livre Inter 2011]

    L’auteur

    Née en 1965, Olivia Rosenthal est une romancière, dramaturge et performeuse française. Elle enseigne parallèlement la littérature à l’Université Paris 8 (Saint-Denis). Au cœur thématique de son œuvre, on trouve le rapport complexe qu’entretiennent les individus avec leurs multiples communautés d’appartenance et d’identification, les personnages évoluant entre inscription et arrachement, entre permanence et séparation, entre la lisière et l’ornière, entre l’intériorisation et le rejet des injonctions et des assignations identitaires. Le protocole d’élaboration de nombre de ses œuvres repose sur un travail de recueil de la parole et de la voix des acteurs sociaux, l’entreprise de collecte documentaire (entretiens, témoignages) présidant bien souvent à l’écriture. Olivia Rosenthal a notamment publié Mes petites communautés (Éditions Verticales, 1999), On n’est pas là pour disparaître (Éditions Verticales, 2007) ou Mécanismes de survie en milieu hostiles (Éditions Verticales, 2014).

    Résumé

    Il s’agit pour le personnage principal, une enfant écrasée sous les pesanteurs significatives du giron maternel, de grandir, de se construire, de se différencier et de s’émanciper. Le déroulé de ce roman d’apprentissage narré à la deuxième personne n’a toutefois rien de conventionnel, dans la mesure notamment où au récit de la construction personnelle se trouvent intimement mêlées nombre de considérations sur le rapport que les hommes et les femmes entretiennent avec les animaux. Un rapport marqué du sceau du paradoxe puisqu’il est question d’éprouver les contradictions profondes qu’il y a à emprisonner, à torturer, à abattre ou à ingérer ceux avec qui dans le même temps on fraternise, ceux-là mêmes qu’on admire, qu’on aime et qu’on chérit. Un paradoxe que le titre lui-même indique, suggérant que l’animal est le lieu d’un mouvement d’idéalisation dont la part d’ombre est redoutable. Structuré en quatre sections qui font intervenir les récits d’expériences d’un dresseur de fauves dans un cirque (section I), d’un soigneur travaillant dans un zoo (section II), d’un chercheur en biologie pratiquant des expériences sur les animaux (section III) et d’un boucher (section IV), le roman pose la question de l’appartenance à la communauté d’identification, et ce à différentes échelles : l’espèce, la famille, le genre, la sexualité. L’animal n’est pas ici un motif : il est à la fois l’aune, le miroir et le contrepoint de la construction de l’identité – personnelle, sociale, sexuelle – qu’il permet de renvoyer de façon originale, sur un ton à la fois grave et humoristique, à sa complexité et aux tensions fondamentales qui la traversent. Les notions d’émancipation et d’animalité sont ainsi constamment mises en lien, et ce de manière invariablement problématique.

    La présence de la question environnementale dans le texte :

    Les thèmes écologiques sont-ils centraux ou marginaux dans le texte ?

    Les thèmes écologiques jouissent dans ce texte d’une présence substantielle, dans la mesure où le récit des expériences de ceux qui travaillent quotidiennement avec des animaux, ou encore les nombreux passages se référant à la législation sur la protection animale, y occupent une place tout à fait centrale. En effet, les travailleurs animaliers, en déployant leurs récits respectifs, convoquent des problématiques écologiques fondamentales : le dresseur, le soigneur, le chercheur en biologie effectuant des tests sur les animaux ou le boucher, posent par quatre fois, et de manière extrêmement diversifiée, la question des paradoxes du spécisme. La forme même de la narration – entremêlement intime de voix plurielles, relative égalité dans leur distribution et grande rigueur dans leur alternance – vient contester, dénaturaliser puissamment du moins, l’évidence d’une hiérarchisation fondée sur le critère de l’espèce. Si l’on n’a pas affaire à une écriture militante, la question – existentielle, sociale, éthique, morale, juridique – de la place de l’animal dans la construction de l’humanité est posée d’une manière proprement lancinante. Le paradoxe spéciste se décline narrativement en une multitude de questions afférentes : statut juridique de l’animal, hiérarchie du sauvage et du domestique, conditions de vie des animaux dans les zoos ou dans les cirques, conditions d’abattage du bétail, intérêt de l’expérimentation animale, question de l’enfermement systématique du vivant (zoos/prisons). Le versant identitaire ou ontologique de la question, plus inattendu sans soute, est également omniprésent : la thématique récurrente de l’identification du personnage à des animaux implique de questionner le rôle que joue la fiction animalière – contes pour enfants, légendes et mythes, feuilletons, documentaires animaliers, films – dans ces processus identificatoires qui déterminent notre manière de penser notre place dans le monde.

    Les événements liés à l’écologie sont-ils réels ou imaginaires ?

    Certains événements référencés viennent émailler le récit : l’introduction de loups dans les douves du château de Nantes en 2009 à des fins récréatives et les réactions militantes qu’une telle entreprise a pu susciter, la fermeture en 2008 du zoo de Vincennes, les actions des militants écologistes à l’encontre des chercheurs de l’Université de Californie pratiquant des tests sur les animaux entre 2006 et 2009. En outre, de nombreux passages évoquent la chronologie de la législation en matière animale : sont ainsi évoquées les questions de la responsabilité, de la sensibilité, de la possession, de la protection ou du droit des animaux, mais aussi la règlementation en matière d’élevage, d’abattage ou d’expérimentation. La description des protocoles de l’expérimentation en laboratoire est par exemple extrêmement précise et documentée. L’importance de ces passages est telle qu’ils finissent par constituer une manière de chronique du statut éthique, moral et juridique de l’animal. On rappellera enfin que les propos du dresseur, du soigneur, du chercheur et du boucher proviennent d’entretiens réels.

    Mais le texte tourne également autour d’un événement imaginaire de taille, tout entier contenu dans le titre du roman, et de nature écologique : le devenir des rennes après Noël est la métaphore éloquente de l’envers du spectacle animalier, fondé sur un jeu de tensions entre identification et différenciation, que les humains se donnent à eux-mêmes.

    Le texte et/ou les images font-ils apparaître des personnages assimilables à des figures typiques en lien avec l’écologie ?

    Des personnages de militants apparaissent à plusieurs reprises : groupes d’intervention pour la libération des animaux faisant incursion dans des lieux d’enfermement, militants menant des actions contre des partisans de l’expérimentation animale. Ceux-ci ne sont pas toutefois des figures centrales, mais occupent un rôle-clé dans ce grand portrait au kaléidoscope de la condition animale que constitue le roman. D’autres figures, peut-être moins directement « typiques », ont pourtant partie liée avec la question écologique : c’est le cas du dresseur, du soigneur, du chercheur en biologie et du boucher. Côtoyant quotidiennement les animaux à des fins différentes, ces personnages déploient des récits de vie qui sont autant de conceptions, tantôt convergentes ou contradictoires, du rapport entre l’humain et l’animal. De façon plus oblique encore, la protagoniste est le site de nombreux mouvements identificatoires envers l’objet « animal », tantôt modèle ou repoussoir : elle constitue à ce titre le ferment d’un questionnement sur le fondement spéciste de notre société et de notre conception du monde.

    Citation

    « Vous apprenez que chez les animaux, il existe une très grande variété d’organisations sociales et sexuelles. Le mâle ne part pas toujours à la chasse, la femelle n’attend pas toujours son retour, les petits ne sont pas toujours sous la protection des mères, les pères ne sont pas toujours indifférents    , les couples ne restent pas toujours ensemble, le groupe n’est pas toujours un recours et une aide, les mâles ne se battent pas nécessairement pour monter la femelle, les femelles ne se battent pas nécessairement pour choisir le mâle, les mâles ne sont pas forcément dominants, les femelles ne sont pas forcément dominées, la menace ne vient pas toujours des ennemis, la vie n’est pas forcément un cadeau et il faut toujours se défendre. » (p.75)

    Mots-clefs 

    zoopoétique / animaux / spécisme / roman d’apprentissage

     

     

    Fiche réalisée par Anne-Laure BONVALOT 

    Catégorie générique

    Roman