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EcoLitt, le projet de recherche sur l'écologie en littérature


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    Laurence Biberfeld - Il nous poussait des dents de loup

    Laurence Biberfeld - Il nous poussait des dents de loup

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    Il nous poussait des dents de loup

    Références de l'ouvrage

    BIBERFELD, Laurence, Il nous poussait des dents de loup, Serres Morlaàs, Editions Court Circuit, 2015, 98 pages.

    L’auteur

    Laurence Biberfeld est née à Toulouse en 1960. Après une enfance et une adolescence difficiles, elle réussit le baccalauréat en candidate libre puis le concours lui permettant de devenir institutrice ; un métier qu’elle quitte en 1999 pour se consacrer à l’écriture ainsi qu’au dessin (illustration de Coco, d’Abdel Hafed Benotman, en 2012). Ses premiers romans, La B. A. de Cardamone (2002) et La vieille au grand chapeau (2005), conjuguent les codes du policier avec la dénonciation de la misère et des violences sociales. En 2009, elle participe à la série collective de polars du Poulpe dont elle livre le n°262 : On ne badine pas avec la mort. Ses lecteurs apprécient le mélange de rudesse et d’humour qui la caractérise.

    Résumé

    À 60 ans, Rachel la narratrice, une reporter de guerre fraîchement retraitée, entendait profiter d’une ancienne magnanerie des Cévennes avec son compagnon, Jordi, mais elle découvre les coupes à blanc infligées à la terre de son enfance dans le cadre du fallacieux projet « Biomasse » de la multinationale UNU, et prête aussitôt secours aux zadistes qui tentent de s’y opposer. La châtaigneraie est saignée à blanc et bientôt les zadistes aussi, qui essuient une répression violente et voient nombre d’entre eux blessés gravement. Munie de son fidèle appareil « Fuji Natura S », Rachel rejoint les rangs d’une résistance à laquelle elle passe le témoin des luttes passées (celle des travailleurs immigrés dans les usines, vingt ans plus tôt). De plus en plus, c’est le jeune Zébulon qui prend les photos à sa place, alors que Muriel, une femme-médecin menue, soigne tant bien que mal les uns et les autres. Lors d’une charge particulièrement violente, Rachel reçoit un tir de flash-ball à la joue et perd l’usage de son œil droit. Dans cette naissance d’une ZAD, une escalade de violence fait du conflit une « guerre » à proprement parler, plusieurs jeunes étant assassinés, sans doute pour intimider et faire fuir les zadistes. Mais même lorsque la violence se déchaîne, on continue d’entendre clapoter l’eau entre les racines des aulnes, comme pour rappeler pour quoi l’on se bat. Alors qu’un déluge terrible s’abat sur la zone, un épisode cévenol qui a tout l’air d’une vengeance de la nature, des révélations interviennent sur les circonstances des morts de Marion, Marlaguette et Zébulon. En guise d’épilogue après l’abandon du chantier et de la ZAD, Rachel raconte comment l’ensemble de son reportage se heurte au refus des médias, « les grands groupes de presse [étant] plus détenus, en règle générale, par les multinationales que par les punks à chiens et les totos écologistes » (p. 91). Revenue de toute idée de retraite, elle poursuit son combat sur un blog qui dénonce la poursuite d’autres désastres écologiques en cours.

    La présence de la question environnementale dans le texte :

    Les thèmes écologiques sont-ils centraux ou marginaux dans le texte ?

    Ils ne pourraient pas être plus centraux. Comme l’indique le titre du récit, qui est emprunté à la chanson des zadistes autour du feu – ils « bouffent la vie par les racines » parce qu’ils savent que « l’homme est un loup pour l’homme » – l’intrigue n’est qu’un développement venant illustrer la multiplication des ZAD forestières.

     Les événements liés à l’écologie sont-ils réels ou imaginaires ?

    Ils sont à la fois réels et transposés (on ne peut s’empêcher de lier ce récit aux évènements de Sivens et à la mort de Rémi Fraisse). Si les faits, les noms et les toponymes sont fictifs, on devine sans mal le réel qu’ils recouvrent, d’autant que tout n’est pas transposé et qu’il subsiste nombre de référents réels. L’ensemble ressemble certes à un récit à thèse tout à fait construit, mais qui évoque la logique réelle, quant à elle, selon laquelle un pays, sous couvert de fournir des emplois, est sacrifié aux gaz de schiste, à l’empoisonnement par les déchets entreposés dans les mines ainsi qu’à des coupes de bois massives dont l’objectif à court terme est de produire des pellets vendus comme « verts ». Plus tristement réelle que tout enfin, l’érosion des sols est évoquée avec force par la parole rapportée du sol lui-même (qui se plaint de ses démangeaisons).

    Le texte fait-il apparaître des personnages assimilables à des figures typiques en lien avec l’écologie ?

    Le schéma actantiel est en apparence très manichéen au début, s’agissant de littérature engagée. Face aux gentils zadistes, résistants légaux ou plus prompts aux moyens illégaux dont certains vont jusqu’au sacrifice, des policiers brutaux, d’effroyables machines démesurées, des élus locaux et un préfet corrompus, des journalistes complaisants. Le déroulement de cette intrigue minimale fait pourtant apparaître les failles des zadistes en leur donnant une épaisseur psychologique qui rend l’ensemble moins simpliste. La langue, surtout, très crue, rappelle qu’il n’y a ni ange ni héros, mêlant aux régionalismes évoquant la pluie, les cultures et le substrat paysan particulier des Cévennes, les termes techniques des chantiers et l’argot fleuri des opposants. Plusieurs visions du monde sont bien en présence. On note enfin qu’à plusieurs reprises, la parole est donnée à la terre, personnage féminin à part entière qui se plaint de démangeaisons puis d’avoir été saigné, sa peau étant mise à nu et arrachée, selon une métaphore proche de « l’hypothèse Gaïa » de James Lovelock (La terre est un être vivant).

    Citation

    « Jordi me divulguait l’information au goutte à goutte, avec une délicatesse de cathéter. Je finis par comprendre les grandes lignes : premier pollueur d’Europe en 2008, la multinationale avait décidé de se racheter une conduite en produisant de l’électricité verte. La biomasse, terme qui désigne aussi bien des déchets végétaux que des forêts miraculeusement préservées, pouvait lui offrir cette opportunité. Après avoir dévasté en trois coups de mâchoires la forêt primaire polonaise et la forêt boréale canadienne, le monstre, qui se plaçait en deuxième position mondiale des multinationales de l’énergie, entre le Chinois State Grid Corporation et le Russe Gasprom, voulait raser les massifs vieillissants de la France chevelue. Un partenariat public-privé lui avait mis EDF dans la poche et fait de l’État français son porte-flingue attitré, comme j’avais pu m’en rendre compte. Pour la gloire de l’énergie propre et bio. » (p. 27)

    Mots-clefs

    conflit / forêt / France / responsabilité humaine / ruralité / ZAD / déforestation / énergie

     

    Fiche réalisée par Bertrand GUEST                                    

    Catégorie générique

    Roman