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    Jean In Koli Bofane - Congo Inc. Le testament de Bismarck

    Jean In Koli Bofane - Congo Inc. Le testament de Bismarck

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    Congo Inc. Le testament de Bismarck

    Références de l'ouvrage

    BOFANE, In Koli Jean, Congo Inc. Le testament de Bismarck, Arles, Actes Sud, 2014, 304 pages.

    L’auteur

    In Koli Jean Bofane est né le 24 octobre 1954 à Mbandaka, en République Démocratique du Congo. Il est contraint de quitter son pays natal en 1993, et s’installe en Belgique, où il prend la plume, convaincu qu’il doit se positionner publiquement à l’issue du génocide rwandais. À la fois érudite, documentée, ironique et satirique, son écriture cherche à rendre compte de la réalité démesurée du Congo-Kinshasa pour mieux rendre hommage aux hommes et aux femmes qui le peuplent. En France, il a publié Pourquoi le lion n’est plus le roi des animaux (Gallimard Jeunesse), lauréat du Prix de la Critique de la Communauté Française de Belgique. En 2000, il publie Bibi et les Canards, et en 2008, Mathématiques congolaises (Actes Sud). Ce dernier ouvrage lui vaudra en 2009 le prix littéraire de la Société Civile des Auteurs Multimédia, ainsi que le Grand prix littéraire d’Afrique noire. Ses ouvrages ont été traduits aux États-Unis, en Allemagne, au Brésil, en Corée ou en Slovénie. Son dernier roman, Congo Inc. Le testament de Bismarck, a reçu le Prix des Cinq Continents de la Francophonie, le Prix du Roman Métis et le Prix Coup de cœur Transfuge / Meet.

    Résumé

    Isookanga, jeune Pygmée appartenant au clan ekonda (branche du peuple mongo), s’ennuie dans son village natal de la province de l’Équateur (RDC), au cœur de la forêt primaire. Amené à devenir un jour le chef du village à la suite de son oncle Vieux Lomama, Isookanga méprise pourtant le mode de vie, les savoirs et les traditions des ancêtres, ne s’intéressant qu’à la « mondialisation » dans sa version la plus décomplexée, qu’il découvre via un jeu vidéo en ligne, Raging Trade. Désireux de se faire une place dans l’aventure mondialiste, Isookanga part à Kinshasa, où il se lie d’amitié avec les enfants des rues, les shégués, dont il devient l’emblème et le porte-parole à l’occasion d’une émeute urbaine. Il rencontre aussi Zhiang Xia, un travailleur chinois avec qui il s’associe et monte un négoce de vente d’eau ambulante, « Eau Pire Suisse ». Inquiet des modifications du milieu naturel induites par la récente implantation d’une antenne-relais au cœur de la forêt, Vieux Lomama se rend à Kinshasa pour alerter son neveu, ainsi que les autorités, des dégâts occasionnés par l’antenne. Lors de ses déambulations kinoises, Isookanga rencontre également Kiro Bizimungu, un ancien chef de guerre coupable d’exactions atroces dans le Kivu et au Rwanda, désormais affecté à la protection écologique de la Salonga, la région dont le Pygmée est originaire. Mais au lieu de veiller à la sauvegarde de la forêt, Bizimungu, avec qui Isookanga entend s’associer, convoite activement les mille richesses qu’abrite le sous-sol. Dans le même temps, Chiara Argento, cadre de l’ONU, cherche depuis New York à en finir avec l’impunité en RDC et parvient à lancer un mandat d’arrêt contre Bizimungu. Prévenu à l’avance, celui-ci réussit à s’échapper, mais il est victime d’un traquenard. Sa femme Adeïto, dont Bizimungu avait fait massacrer toute la famille avant de l’enlever et de l’épouser de force, l’attire dans un quartier populaire et crie au viol : Bizimungu est brûlé vif sur-le-champ. Isookanda et Zhang Xia, venus parler affaires avec Bizimungu le soir même de sa mort, sont envoyés en prison : alors que le jeune Ekonda, considéré comme le chef des shégués, est relâché par les autorités craignant une nouvelle émeute, Zhang Xia est pour sa part extradé vers la Chine où il sera emprisonné. Isookanga rentre finalement au village avec son oncle : contrairement à ce que pense Vieux Lomama, la seule idée du jeune Ekonda de régner plus tard en maître sur les richesses de la forêt, en œuvrant non pas à leur préservation prudente et raisonnée, mais à leur juteuse et rentable exploitation.

    La présence de la question environnementale dans le texte :

    Les thèmes écologiques sont-ils centraux ou marginaux dans le texte ?

    Centraux. Les menaces écologiques que la mondialisation fait peser sur la forêt sont décrites tout au long du roman : conséquences de l’extractivisme supervisé par les autorités et les organisations internationales, lien entre les guerres qui ravagent le territoire kino-congolais et l’exploitation des ressources et des êtres, destruction des sous-sols et des savoirs ancestraux, perturbation des écosystèmes, exode rural, précarisation des populations locales et accroissement des inégalités, généralisation de la logique d’accumulation prédatrice.

     Les événements liés à l’écologie sont-ils réels ou imaginaires ?

    Réels. La déforestation à outrance et l’exploitation du sous-sol menées tambour battant malgré un protectionnisme de façade, l’appétit dévastateur des grandes puissances mondiales pour les ressources primaires, le dérèglement des écosystèmes, le recul de la forêt primaire, la raréfaction des denrées, la corruption généralisée, la marchandisation du vivant, la précarisation et l’exode rural des Pygmées ou le désintérêt des jeunes pour les savoirs ancestraux sont autant de faits avérés que l’auteur s’emploie à dénoncer.

     Le texte et/ou les images font-ils apparaître des personnages assimilables à des figures typiques en lien avec l’écologie ?

    Oui. Isookanga, « jeune Ekonda et mondialiste de surcroît » (p. 294), est l’antithèse de Vieux Lomama, protecteur de la forêt et détenteur de la sagesse ancestrale des lieux. Le roman met en scène une guerre des mondes où la figure de l’exploitant moderne et décomplexé le dispute à celle du gardien respectueux de son environnement millénaire. D’autres personnages redoublent ces premières figures centrales, comme Bizimungu, l’ancien chef de guerre reconverti en gardien cynique de la forêt, ou le Chinois Liu Kaï, ancien patron de Zhang Xia, détenteur d’une carte du sous-sol de la forêt congolaise en vue de son exploitation et de sa marchandisation. Les animaux, quant à eux, comme les chenilles, les phacochères ou le léopard Nkoi Mobali, sont une métonymie de la forêt et des maux qui actuellement la ravagent. Les représentants des instances de protection (nationales et internationales), comme Chiara Argento ou l’africaniste Aude Martin, font pour leur part l’objet d’un traitement largement ironique.

    Citations

    « Des compensations, Isookanga n’en avait pas beaucoup au village, mais depuis deux-trois mois il en avait une de taille : c’était l’antenne-relais qu’avait installée la société China Network dans les parages. L’hélicoptère qui avait planté le pylône avait fait un vacarme de tous les diables, mais le jeune Ekonda ne s’était pas plaint. Les singes un peu, mais lui avait été ravi que ces arbres qui croient dominer tout et tous se fassent enfin ébouriffer la chevelure par plus fort qu’eux.
    Évidemment, depuis l’installation de la technologie dans le coin, les esprits retardataires s’étaient répandus en invectives contre l’antenne :
    - Elle va attirer la malédiction sur nous, les ancêtres vont nous tourner le dos ! affirmaient les uns.
    - Nos femmes ne pourront plus mettre au monde, affabulaient les autres.
    - Nous allons tous devenir impuissants, déliraient les plus pessimistes.
    - Les chenilles, d’ailleurs, ont déjà fui, ajoutaient ceux qui se croyaient malins.
    Pour Isookanga, c’était la preuve flagrante que les maudites bestioles n’avaient pas plus de jugeote que les membres de son clan car il avait en effet dû parcourir des kilomètres pour en trouver. Ce qui n’était pas le cas auparavant. » (p. 17)

    « La jeune femme, le téléphone à la main, avait posé à Isookanga des questions sur son mode de vie, son alimentation, son habitat, les coutumes de sa tribu, avait demandé si on était patriarcal ou plutôt matriarcal, quelle était la place exacte de la femme dans leur société, si entre les autorités et la population la cohabitation était harmonieuse. Bref, rien de neuf. Isookanga avait répondu le plus franchement possible et en avait profité pour exposer ses vues sur la modernité. Il avait tenté de convaincre son interlocutrice qu’il fallait absolument désenclaver la forêt en posant des pylônes de télécommunication partout, afin que chacun puisse être connecté au reste du monde. Ouvrir des autoroutes de l’information, certes, mais pas seulement, il fallait aussi ouvrir des autoroutes tout court, pour que les biens de consommation, qui abondaient ailleurs, puissent profiter à tous. » (p. 27-28)

    Mots-clefs 

    ville / forêt / campagne / corruption / déforestation / animaux / responsabilité humaine / mondialisation / écologisme populaire

     

    Fiche réalisée par Anne-Laure BONVALOT                                 

     

    Catégorie générique

    Roman