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EcoLitt, le projet de recherche sur l'écologie en littérature


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    Eric Chauvier - Somaland

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    Somaland

    Références de l'ouvrage

    CHAUVIER, Éric, Somaland,
    Allia, Paris, 2012
    170 pages.

    L’auteur

    Éric Chauvier, né en 1971, est un essayiste et anthropologue qui enseigne à l’Université Segalen à Bordeaux. Dans ses différents ouvrages – Anthropologie (2006), La crise commence où finit le langage (2009), Les mots sans les choses (2014) – il plaide pour un élargissement des publics et des terrains possibles de l’anthropologie, notamment vers la vie quotidienne et l’ordinaire, dans lesquels il se montre attentif aux failles et impensés des différents langages en enregistrant puis commentant en détail les mots qui irriguent nos discours.

    Résumé

    C’est l’histoire d’une enquête dans un monde fictif (Somaland) étrangement semblable au nôtre : le narrateur à la première personne est un expert dépêché sur le site de l’usine Ampeck dont s’échappe l’odeur amère d’un solvant nommé photack. L’étude du quartier défavorisé de Thoreau, qui jouxte l’usine, doit notamment déterminer « l’implication de la population dans la prévention des risques industriels » mais ce « beau programme se fissure », laissant place à une décapante anthropologie critique de l’enquête elle-même et des discours d’experts.

    Très peu conventionnel, ce récit hybride juxtapose des retranscriptions d’entretiens enregistrés avec le maire, des habitants et surtout différents experts venant ponctuellement prononcer des discours censés informer les populations exposées mais désespérément vides de choses concrètes. L’utilisation de PowerPoint se dévoile alors comme le masque d’un langage aussi creux et loin du réel qu’il est paradoxalement puissant et efficace en termes de nouvelle gouvernance : des slogans animés bercent la foule des habitants « concertés ». La rencontre déterminante est celle de Yacine, employé comme intérimaire sur le site et convaincu que le solvant est responsable d’une altération physiologique et psychique de son ex-petite amie, Loretta, entraînant la rupture de leur couple. Le narrateur, dont l’enquête a changé d’objet, passant des populations du quartier sensible à l’ensemble des discours en présence, est progressivement convaincu à son tour des méfaits du silène, gaz inodore mais délétère dont le photack, puant mais inoffensif, n’est que l’enveloppe visible. Rien ne peut cependant être prouvé, toute possibilité d’un discours vrai étant devenue extrêmement fragile.

    La présence de la question environnementale dans le texte :

    Les thèmes écologiques sont-ils centraux ou marginaux dans le texte ?

    Centraux, parce qu’il traite des mots pour dire ou taire le risque chimique, montrant ainsi que l’écologie est affaire de richesse et d’indépendance de nos vocabulaires pour dire les milieux où nous vivons, donc les dangers auxquels nous sommes exposés. La littérature montre ici que la structure de toute crise environnementale est aussi, peut-être même surtout, linguistique et cognitive : qu’attendre en effet d’un monde où nous ne comprenons pas la chimie qui nous entoure et forme l’air même que nous respirons, un monde dans lequel nous serions coupés de tout effet sur notre environnement, subissant des effets qui nous dépassent ?

     Les événements liés à l’écologie sont-ils réels ou imaginaires ?

    Cette question est au cœur du livre, qui joue de son caractère mi-réel mi-fictionnel pour rester sur la mince ligne de crête de l’indécidabilité de ce nouveau fantastique, industriel : l’incapacité de l’homme du commun de vérifier si les maladies réelles sont liées à des solvants dont personne n’ose avérer publiquement le caractère destructeur. Entre fiction transposable et compte-rendu d’enquête réelle (Ampeck ressemble de manière troublante à l’usine AZF), la force de ce livre est de refléter dans son écriture même la nature factice des discours officiels et l’incrédulité qu’ils rencontrent (jeu permanent sur les différentes polices, le gras et l’italique, variations typographiques liées à la dénonciation ironique de la communication d’expert). Cette exploration langagière du storytelling bouleverse l’établissement même du réel et de l’imaginaire, débusquant le faux sous les apparences habituelles du discours donné pour vrai par les scientistes et suggérant que la rumeur la plus terrible peut parfois être vraie.

    Le texte fait-il apparaître des personnages assimilables à des figures typiques en lien avec l’écologie ?

    Pas la moindre figure d’écologiste ici. Beaucoup d’experts et de technocrates caricaturaux en revanche qui, s’ils ne parviennent pas à rassurer les populations, s’agitent rhétoriquement pour en prévenir les questions et la révolte, tentant de gagner l’ « acceptabilité sociale » des risques.

    Citation

    « […] risques socialement acceptables : il faut admettre que ces mots, issus de la gouvernance, sont fort peu accordés à notre conversation. Il ne peut d’ailleurs venir à personne l’idée de les employer ailleurs que dans une salle de réunion ; ou alors, avec un minimum d’explications ou de précisions. Ces mots n’incarnent à proprement parler aucune réalité [à quoi pensez-vous lorsque vous entendez ces trois mots – une ligne droite, un cercle plein, un rectangle, une tache blanche sur fond blanc ?]. » p. 21.

    Mots-clefs

    catastrophe industrielle / pollution /  responsabilité humaine /  risque / maladie /  société /  vent.


    Fiche réalisée par Bertrand GUEST                                   

    Catégorie générique

    Hors catégorie


    Récit et transcriptions d'enregistrement