Aller au contenuAller au menuAller à la rechercheAller à la page d'actualités

EcoLitt, le projet de recherche sur l'écologie en littérature


Navigation principale

    Recherche

    Fil d'ariane

    La recherche en littérature environnementaleRessources pour tous

    Bessora - Petroleum

    Bessora - Petroleum

    • Partager la page sur les réseaux sociaux
    • Envoyer cette page par mail

      Envoyer par mail


      Séparés par des virgules
    • Imprimer cette page

    Petroleum

    Références de l'ouvrage

    BESSORA, Petroleum, Paris, Denoël, 2004, 334 pages.

    L’auteur

    Bessora est née en Belgique en 1968 d’un père gabonais et d’une mère suisse. Écrivaine caustique et engagée, elle se présente sur son blog comme « auteur lunatique à géographie variable » : fille de diplomate, elle sillonne en effet la planète et écrira finalement, avant de devenir romancière, une thèse en anthropologie sur les mémoires pétrolières au Gabon – ce qui explique en partie le caractère extrêmement documenté de Petroleum. Elle est l’auteure de plusieurs romans, dont 53 cm (Le Serpent à plumes, 1999) ou Deux bébés et l’addition (Le Serpent à plumes, 2002), mais aussi de nouvelles.

    Résumé

    Véritable « pétro-polar », ce roman déroule de manière originale l’histoire pétrolière du Gabon : il est une enquête policière, politique et géologique qui explore tout à la fois les dessous de la terre et ceux de l’entreprise Elf-Gabon. Tout commence lorsqu’une explosion secoue l’Ocean liberator, une plateforme pétrolière au large de Port-Gentil – deuxième ville du pays – au moment précis où les géologues et autres foreurs accèdent enfin au liquide tant convoité. Les causes de l’accident sont méconnues, et leur élucidation constitue le cœur de l’intrigue. S’agit-il d’un attentat politique, d’une erreur de manutention, d’un sabotage de la part d’Étienne Girardet, un géologue syndicaliste et militant antiraciste qui périt dans l’explosion ? Pour tenter de démêler l’affaire, le siège parisien d’Elf envoie sur place un profiler aléatoire, Georges Montandon. Parmi les coupables potentiels, en plus de Girardet, on compte d’abord Jason, le cuisinier et boulanger de la plateforme, connu pour ses prises de position politiques contre la mainmise d’Elf sur le pétrole national. On compte aussi Alidor Minko, le directeur des relations publiques de la compagnie, profondément amer envers l’entreprise malgré la brillante carrière qu’il y a menée. Il y a enfin Médée, géologue sentimentale et protagoniste du roman, amoureuse de Jason et dont l’attitude envers la compagnie est profondément ambiguë. Cherchant à retrouver Jason qui, en tant que suspect n°1, se tient caché à Ntchengué, un village de pêcheurs au sud de Port-Gentil devenu une véritable décharge (« C’est pas la voie publique ici : c’est la voie pétrolière. C’est pour ça que les gens ont décidé que c’était une poubelle », p. 277), Médée se retrouve en prison, accusée de complicité avec le saboteur présumé. Cette enquête palpitante se clôt sur une chute passablement déceptive, tous étant en effet et à divers degrés plus ou moins impliqués. Jason et Médée retrouvent finalement leur liberté et avec elle la possibilité de s’aimer. Ils manquent d’être engloutis par la terre courroucée, échappant ainsi de peu à la vengeance de Mamiwata, la déesse africaine des eaux qui décide de les épargner : il semble que la vie et l’amour ne soient possibles qu’une fois l’extraction du pétrole stoppée.

    La présence de la question environnementale dans le texte :

    Les thèmes écologiques sont-ils centraux ou marginaux dans le texte ?

    Absolument centraux. Tout le roman peut être lu comme une histoire de l’exploitation des richesses naturelles du Gabon, en particulier du pétrole. La thématique de la profanation de la nature, évoquée notamment au travers de métaphores filées – viol répété de la terre – ou de récits mythiques et surnaturels – arbre d’Igoguino –, est profondément structurante. D’autres thèmes socio-environnementaux fondamentaux, comme la déforestation, la (non) gestion des déchets, la pollution, le racisme institutionnel, le paternalisme, la marchandisation à outrance du territoire et de ses ressources ou la brutalité du colonialisme sont traités sur un même plan, le texte abordant de front les problématiques politique, économique ou sociale et leur pendant écologique.

    Les événements liés à l’écologie sont-ils réels ou imaginaires ?

    Plutôt réels : bien que le récit comporte une forte dimension surnaturelle, celle-ci n’a rien de vraiment fantastique puisqu’elle se fonde sur des légendes et des représentations de la nature locales et continentales. L’historique de l’extraction pétrolière se déroule en effet selon deux niveaux : d’une part, le récit des agissements des géologues, des cadres et autres employés de l’entreprise Elf-Gabon est jalonné de références précises à l’histoire de l’exploration du pétrole dans la région  – dates du forage des premiers puits et des accords signés, chiffres de la production pétrolière, manœuvres internes à la compagnie – ; d’autre part, le récit de l’histoire des populations locales livre leurs cosmogonies particulières, mais aussi les modalités complexes de leurs relations souvent conflictuelles avec les premiers. Le roman est extrêmement bien documenté et se fonde ainsi sur un régime de référentialité réaliste.

    Le texte et/ou les images font-ils apparaître des personnages assimilables à des figures typiques en lien avec l’écologie ?

    Oui. Malgré la multitude de personnages convoqués, on décrirait volontiers les choses en termes de face-à-face. D’un côté, les figures typiques de la prédation et de l’exploitation brutale : Elf-Gabon, personnage-monstre à part entière perpétrant un véritable écocide, se décline en une multitude de figures emblématiques. Parmi elles, on trouve en premier lieu celle du géologue – Médée ou Girardet –, celle des expatriés cyniques et gloutons, mais aussi celles, non-humaines, des trépans, des puits béants et autres dispositifs de forage. De l’autre, on trouve les gardiens de la forêt, les populations locales ou encore les habitants tenus de vivre au milieu des déchets comme dans le cimetière de Ntchengué. Parmi les autochtones, Louise, la tante de Jason, est une figure centrale du roman : gardienne de la forêt connaissant la pharmacopée traditionnelle, elle communique avec les ancêtres et incarne la richesse des savoirs écologiques ancestraux, mais aussi toute la menace dont ils sont l’objet.

    Citation

    « Retiens-toi semence noire : pas d’éruption. Ignores-tu la chanson ? Relax. Don’t do it. When you wanna come. Il a raison Frankie, ne jouis point Nomade Noir. Il faut te retenir car les éruptions de pétrole, cette éjaculation soudaine causée par l’excès de pression, c’est dangereux pour la santé. C’est peu économique. Et c’est irrespectueux de Dame Nature.
    Or, l’écologie est le premier souci d’Elf.
    Comme les droits de l’homme.
    Alors gare aux éruptions. Aux éruptions de pétrole. Aux éruptions de sang. Parfois, ils coulent en même temps.
    Blood for Oil. Oil for Blood.
    Les puits de pétrole ne sont pas que des vagins arides, ils sont comme le cœur des hommes : ça bout à l’intérieur ; bile noire chauffée à blanc, mélancolie inflammable. La pression monte et puis boum, un jour, c’est l’explosion. » (p. 23)

    Mots-clefs

    énergies / pétrole / responsabilité humaine / écoféminisme / extractivisme / écocide

     

    Fiche réalisée par Anne-Laure BONVALOT

    Catégorie générique

    Roman

    "pétro-polar"