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EcoLitt, le projet de recherche sur l'écologie en littérature


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    Manuel Rui - Le Porc épique

    Manuel Rui - Le Porc épique

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    Le Porc épique

    Références de l'ouvrage

    RUI, Manuel, Quem me dera ser onda, Lisbonne, Edições Cotovia, 1982, 77 pages.
    Pour la traduction française : Le Porc épique, Paris, Éditions Dapper, 1999, 107 p., traduit du portugais (Angola) par Michel Laban.

    L’auteur

    Manuel Rui est né à Huambo (Angola) en 1941. Juriste de formation, il fait ses études à Coimbra (Portugal), puis rentre en Angola après la Révolution des Œillets afin de participer activement à la vie politique de son pays : membre actif du MPLA (Movimento Popular de Libertação de Angola, parti marxiste au pouvoir dès 1974), il est Ministre de l’Information, puis Directeur du Département des Affaires étrangères, et ce dès les débuts de l’indépendance – une période qui dans ses fictions fait généralement l’objet d’un travail de recréation comique et ironique. Manuel Rui est également membre fondateur de L’Union des Écrivains Angolais, et l’auteur de l’hymne national angolais : la rhétorique nationale dont il est imprégné se retrouve transfigurée dans son œuvre poétique et romanesque, qui peut être lue comme l’un des témoignages les plus emblématiques de la période postcoloniale.

    Résumé

    De prime abord, l’histoire qui nous est racontée ressemble fort à un conte pour enfants : Zeca et Ruca, deux gamins de Luanda, se prennent d’affection pour le cochon de lait que leur père Diogo a décidé de ramener un beau jour à la maison, afin de l’engraisser pour finalement le sacrifier et s’en régaler le jour du carnaval, conjurant ainsi la triste routine dudit « poisson-fritisme ». La famille Diogo se met donc en tête d’élever le porcelet dans son appartement, sis au septième étage d’un immeuble de la capitale angolaise. L’initiative étant susceptible d’attirer la convoitise ou d’être dénoncée, l’élevage du porcin doit rester absolument secret, les enfants augmentant par exemple régulièrement le volume de la radio pour cacher les grognements de l’animal. La cohabitation avec le cochon s’avère cocasse et divise profondément la petite communauté qui se déploie dans le roman : alors que Zeca et Ruca, mais aussi Beto, le fils des voisins, l’institutrice et les autres enfants de l’école, se prennent rapidement de passion pour le porcin – que ses jeunes propriétaires ont baptisé, en hommage au carnaval de Luanda, « Carnaval de la Victoire » –, Diogo rêve de plus en plus ouvertement de lui trancher le cou, éloignant ainsi l’insupportable monotonie due au rationnement et à la pénurie alimentaire qui ont cours à l’époque. L’élevage du cochon devient très vite le prétexte idéal pour explorer le fonctionnement de la société angolaise au lendemain de l’indépendance, et tourner notamment en dérision les méthodes du régime marxiste au pouvoir depuis 1975. Dans cet immeuble organisé à l’image du pays, la surveillance, la calomnie et la dénonciation vont bon train – des pratiques que les enfants auront tôt fait de s’approprier dans le but de sauver Carnaval de la Victoire. Les rédactions, affiches et lettres qu’ils produisent dans ce but émaillent d’ailleurs le récit. Ils feront par exemple accuser leurs voisins de trafic pour détourner l’attention des contrôleurs et autres mouchards potentiels. La scission idéologique entre le père et ses deux fils ne fait que grandir, ces derniers usant de mille stratagèmes pour sauver la bête. Ils n’y parviendront pas malgré leurs efforts et les trésors d’ingéniosité qu’ils déploient : le roman se clôt sur le festin carnivore qui se joue dans le dos des enfants encore pleins d’espoir et rêvant de rendre à leur animal sa liberté originelle. Sous ses airs de récit cocasse et enjoué, Le Porc épique est une véritable parodie du régime de l’époque, de son langage et de ses procédés, une farce politique et littéralement carnavalesque dont l’animal est à la fois la condition et le prétexte.

    La présence de la question environnementale dans le texte :

    Les thèmes écologiques sont-ils centraux ou marginaux dans le texte ?

    Les deux. Si l’élevage de l’animal est, on l’a vu, le prétexte à l’exploration d’un contexte socio-politique particulier, il reste qu’il est le cœur absolu de la narration. L’amour que les enfants lui vouent, les descriptions profuses de leurs liens et de ses attitudes propres, le rôle de mascotte de l’école qu’il joue volontiers, ou encore l’évocation de sa vie heureuse en bord de mer avant la captivité, constituent de véritables réflexions d’ordre écologique. Les enfants rêvent par exemple d’être une vague, qui est pour eux le symbole maximal de la liberté – l’image donne son titre au roman en portugais. Or, Carnaval de la Victoire est un « cochon maritime », qui vivait heureux sur la plage avant d’être capturé : malgré toutes les métaphores que le thème du cochon permet de tisser, la question du sort que la société réserve à l’animal reste fondamentale. Symétriquement, si le thème de l’alimentation carnée permet avant tout une critique des problèmes d’approvisionnement alimentaires de l’Angola de l’époque, la voracité de Diogo, sa violence et sa cruauté à l’égard du cochon en qui il ne voit qu’un insupportable « petit-bourgeois » ou le moyen de faire des économies, ouvrent un réel questionnement sur les rapports que l’homme entretient avec l’animal. Dans le système de l’œuvre, les enfants et le porcin sont des personnages positifs, contrairement à ceux qui cherchent, de quelque manière que ce soit, à mettre en péril le lien qui les unit.

    Les événements liés à l’écologie sont-ils réels ou imaginaires ?

    Réels et imaginaires : si l’élevage du cochon et son ingestion postérieure par la famille Diogo relèvent de la création fictionnelle, le contexte de pénurie et de rationnement qui en est la toile de fond est bel et bien réel. Sans que la chose ne soit à notre connaissance documentée, on peut facilement imaginer que malgré l’interdiction tacite de cette pratique, certains avaient à l’époque recours à l’élevage privé pour faire face aux difficultés alimentaires du quotidien.

    Le texte et/ou les images font-ils apparaître des personnages assimilables à des figures typiques en lien avec l’écologie ?

    Oui. L’institutrice se prend d’amour pour Carnaval de la Victoire, et inculque aux enfants, contre l’avis d’un comité d’experts qui fustige son idéalisme, qu’il faut aimer et défendre les animaux. Elle fait du cochon le thème privilégié des rédactions et des épreuves de dessin qui ont lieu dans sa classe, et les enfants démontrent pour l’animal un engouement spontané. Comme c’est le cas dans de nombreuses fictions, on peut dire que les enfants sont un personnage écologique à part entière, dans la mesure où ils s’identifient spontanément à l’animal dont ils semblent naturellement embrasser la cause.

    Citation

    « Dans la famille Diogo s’affirmait de plus en plus une différence de comportement à l’égard de Carnaval de la Victoire. Les deux gamins le traitaient comme l’un des leurs. Ils le lavaient, nettoyaient ses crottes et tous les jours allaient derrière l’hôtel ramasser dans les poubelles des mets dont le cochon se repaissait.

    C’était devenu un pourceau raffiné, un brin protocolaire. Il mimait avec son groin des courbettes de remerciement, avait appris à faire signe de sa patte droite et se pâmait, ventre à l’air, à la moindre chatouille que lui faisaient les enfants.

    Diogo, en ce qui le concernait, portait au cochon un intérêt tout différent, ne voyant en lui que viande, poids et allégement du budget familial. Plus que rassasié de poisson frit, il braquait ses yeux sur le porc, évaluant son état d’engraissement : « Tu t’embourgeoises mais tu ne sais pas ce qui t’attend » – et, du tranchant de la main posée sur la gorge, il montrait aux enfants comment on coupe un cou – au couteau ! La fin qui attend tous les bourgeois ! » (p. 38-39)

    Mots-clefs

    animaux / ville / responsabilité humaine / alimentation / spécisme

     

    Fiche réalisée par Anne-Laure BONVALOT                                 

     

    Catégorie générique

    Roman